Pour tout vous dire, nous étions un peu intimidés. Le New York Times est une référence, à la fois dans le domaine des médias en général, et pour leur maîtrise des outils multimédia en particulier. Par ailleurs, c'était le vice-président du journal himself qui nous recevait. Michael Zimbalist a eu un parcours pour le moins intéressant: il a commencé comme auteur et producteur pour le cinéma, et a fait ses armes chez Disney. Puis sa carrière s'est orienté de plus en plus vers le marketing et les médias numériques, jusqu'à devenir le président de la Online Publishers Association. C'est lui qui, arrivé au NYT en janvier 2006, a fondé ce laboratoire de recherche et développement que nous visitions ce jeudi.
Dans la petite salle de conférence, Zimbalist nous écoute lui présenter RFI et France 24, entouré de 6 membres de son équipe, qui portent des titres aussi étonnants que "Creative technologist" ou "Directeur délégué aux plateformes émergentes". C'est une petite équipe, fer de lance d'un gigantesque paquebot. Le New York Times compte 1200 journalistes. Côté développement, les chiffres sont encore plus étonnants pour un média : une centaine de développeurs sont attachés au NY Times pour maintenir et faire évoluer l'outil maison de mise en ligne, auxquels s'ajoutent de petites équipes chargées des autres applications éditoriales, l'équipe de graphistes et de spécialistes du multimédia, qui travaillent notamment sur les superbes diaporamas que nous leur envions (voir la page multimedia du nytimes.com).
Mais le plus étonnant est que l'équipe de R&D que nous avons en face de nous ne semble pas vraiment sous pression, même en ces temps de crise, dont nous voyons bien depuis que nous sommes ici qu'elle touche violemment les médias américains. Ces petits génies construisent des prototypes, réfléchissent aux nouvelles plateformes (à tous les équipements qui pourront un jour afficher de l'info, et dont ils ont un bel échantillon cf. photo), sans que cela donne forcément lieu à une application concrète.
Je ne vais pas vous décrire la multitude d'applications et de gadgets qu'ils ont imaginés. Quatre petits films, tournés par l'équipe du Nieman Journalism Lab de Harvard, seront bien plus parlants. Le premier décrit justement toutes ces nouvelles plateformes, e-books, encre électronique sur supports souples, sur lesquelles l'équipe travaille. Comme nous l'a dit Michael Young (creative technologist) : "On ne sait pas qui va gagner, mais on travaille avec tous..."
Les suivants (ici, ici, ici et ici) prennent place dans le Living Room aménagé dans les locaux du lab (photo). Face à un canapé, une superbe TV à écran plat et une batterie de petits écrans supplémentaires que l'on peut imaginer disséminés dans la maison: l'écran de votre PC ou celui installé sur la porte de votre réfrigérateur... Son iphone dans une main et un tablet PC dans l'autre, Michael Young nous fait la démonstration de toutes les interractions imaginables entre les différents matériels.
L'idée générale sur laquelle travaille notamment le lab du NYT est que les 3 écrans omniprésents dans notre vie - celui du PC, de la télévision et du téléphone portable - sont ou seront tous dans un futur très proche reliés au web. Pour un média, il faut imaginer comment décliner son contenu pour chacun de ces écrans, comment l'afficher au mieux des possibilités de chacun, et surtout imaginer les interractions entre eux.
Un exemple : je suis dans la rue et je lis sur mon téléphone la version mobile du New York Times. L'un des articles comprend une vidéo qui m'intéresse, mais je n'ai pas envie de la regarder sur cet écran minuscule. Je dépose simplement sur l'article un marque-page. Une fois à la maison, depuis mon PC ou toujours sur mon mobile, je retrouve ce marque-page qui a été enregistré sur mon profil, et d'un simple geste, je l'envoie vers ma télévision qui joue la vidéo pour moi. Tous les "écrans" sont donc interconnectées, reconnaissent automatiquement les autres appareils avec lesquelles ils sont en réseau, et si possible se pilotent par des interfaces tactiles.
Si le tout a un petit côté Mr Q (le spécialiste des gadgets de James Bond), la morale est évidente : les médias doivent être créatifs et en avance sur la technologie. RFI et France 24 ont désormais leur propre "lab", piloté par Michel Lévy-Provençal qui était bien évidemment aux anges lors de cette rencontre. Les moyens sont sans commune proportion, mais l'idée que nous allons essayer de poursuivre est bien la même : imaginer et tester. Le web est après tout le parfait terrain d'expérimentation : une innovation est simple à mettre en place sur un site, comme à retirer si l'on s'est "plantés", les retours sont immédiats et les adaptations rapides. C'est notamment cette démarche qui va guider la refonte de nos sites à l'automne prochain...